Page:Voyages de Francois Bernier (éd. 1710), vol. 1.pdf/184

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
176
Histoire des États

ſonne y trouvât beaucoup à redire, parce qu’enfin c’étoit un Eunuque qui a droit d’entrer par tout, & une femme ; mais la familiarité devint ſi grande & ſi extraordinaire entre les deux Amans, que les voiſins ſe douterent de quelque choſe & en railloient l’Ecrivain, ce qui le picqua tellement, que par pluſieurs fois il menaça ſa ſœur & l’Eunuque de les tuer s’ils continuoient leur commerce ; & effectivement une nuit qu’il les trouva couchez enſemble, il poignarda l’Eunuque & laiſſa ſa ſœur pour morte. Tout le Serrail, femmes & Eunuques ſe liguerent contre lui pour le faire mourir, mais Aureng-Zebe ſe mocqua de toutes leurs brigues & ſe contenta de le faire faire Mahumetan. On ne croit pas neanmoins qu’il puiſſe long-temps éviter la puiſſance & la méchanceté des Eunuques, car il n’en eſt pas, dit-on ici communement, des hommes comme des animaux, ces derniers deviennent plus doux & plus traitables quand on les coupe, & les hommes plus vicieux & plus méchans, arrogans pour l’ordinaire & inſuportables, ſi ce n’eſt que ces vices, comme il arrive quelquefois, ſe changent, je ne ſais comment, en une fidelité, en une bravou-

re