Page:Voyages de Francois Bernier (éd. 1710), vol. 1.pdf/128

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
120
Histoire des États

Je croy devoir marquer ici en paſſant ce que pluſieurs m’ont dit ; que toute cette eſcapade de Sultan Mahmoud ne s’étoit faite que par les artifices & par les reſſors d’Aureng-Zebe, qui ne fe ſoucioit guere de hazarder ce fils pour tâcher de perdre Sujah, & qui étoit bien aiſe qu’en tout cas ce lui fût un prétexte ſpecieux pour le mettre en lieu de ſeureté : Quoi qu’il en foit, il témoigna après être fort degouté de lui, & lui écrivit enfin une lettre fort deſobligeante par laquelle il lui ordonnoit de revenir en Dehli, donnant cépendant bon ordre qu’il ne vint pas juſques là ; car il n’eut pas plûtôt paſſé le Gange qu’il trouva des gens qui l’arrêterent, l’enfermerent dans un Embary comme on avoit fait Morad-Bakche, & l’emmenerent à Goüaleor, d’où on ne croit pas qu’il ſorte jamais, Aureng-Zebe ſe tirant d’un grand embarras, & donnant à entendre à ſon ſecond fils Sultan Mazum que le point de regner eſt quelque choſe de ſi delicat que les Rois doivent quaſi avoir de la jalouſie de leur ombre, que, s’il n’eſt fage, il lui en peut autant arriver qu’à fon frere, & qu’il ne faut pas qu’il penſe qu’Aureng-Zebe ſoit homme à s’en laiſſer faire

au-