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du grand Mogol.

toute l’Armée, ſe trouvant ſouvent obligé à boire de mauvaiſes eaux comme les autres, à ſe paſſer d’un morceau de pain ſec, & à dormir fous un arbre en attendant ſon Armée au milieu du chemin, la tête ſur ſon bouclier comme un ſimple ſoldat ; de ſorte que Dara ſe vit encore contraint d’abandonner Multan, afin de ne ſe trouver pas prés d’Aureng-Zebe auquel il n’étoit pas en état de reſiſter. C’eſt ici que les Politiques du païs ont encore raiſonné fort diverſement ; car on dit que ſi au ſortir de Lahor Dara ſe fût jette dans le Royaume de Caboul comme on le lui conſeilloit, il auroit là trouvé plus de dix mille hommes de guerre qui ſont deſtinez contre les Augans, les Perfes & les Usbecs & pour la garde du païs, dont étoit Gouverneur Mohabet-kan, un des plus puiſſans & anciens Omrahs de l’Hindouſtan, & qui n’avoit jamais été ami d’Aureng-Zebe ; que de plus il eût été là à la porte de la Perſe & de l’Usbec : qu’il étoit vrai-ſemblable que ne manquant pas d’argent, toute cette Milice & Mohabet-kan meme auroient embraſſe ſon parti, & que même il auroit pû tirer ſecours non feulement de l’Usbec, mais encore de Perſe, auſſi bien que

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