Page:Voyage par le Cap de Bonne-Espérance à Batavia, à Bantam et au Bengale, en 1768, 69, 70 et 71.djvu/368

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seront forcés un jour d’abandonner ces contrées après les avoir totalement épuisées. Les malheureux Bengalois sont bien plus à plaindre, car après avoir été opprimés par les Mores, ils le sont encore davantage par les Anglois ; cependant c’est ce peuple industrieux seul qui a fait réfluer ici les richesses qui remplissoient les trésors du Mogol et du nabab, fruits de leurs manufactures dont les productions sont recherchées dans toutes les parties du monde. Ils ne tirent qu’un chétif salaire de leur main-d’œuvre, et vivent d’une manière fort sobre : un peu de riz et de légumes voilà toute leur nourriture. Tout l’argent, du moins à une très-petite partie près, que leurs travaux attirent dans ce pays, y reste, parce que toutes les matières premières qui entrent dans leurs étoffes s’y cultivent, excepté le capok ou coton qui leur vient de Surate. Ces bonnes gens, qui contribuent si puissamment à la prospérité de ces contrées, au lieu de recevoir des Anglois l’encouragement que mérite à si juste titre leur industrie, sont, au contraire, exposés journellement à l’insatiable cupidité de ces maîtres injustes et cruels, qui les vexent tant à force ouverte que par les monopoles qu’ils mettent sur toutes les espèces de denrées, et cela jusque sur la bouse de