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ce chef anglois pour lui faire rapport de ce qui s’est passé le jour précédent. Ce dernier le reçoit assis, et s’il est occupé de quelque affaire il faut que le nabab attende jusqu’à ce qu’il lui plaise de l’admettre à son audience.

On s’imagine facilement combien une pareille conduite doit révolter l’orgueil oriental, qui autrefois ne permettoit à aucun Européen de s’approcher d’un nabab que dans l’attitude la plus respectueuse et la plus humiliante même. Cette place de chef du dherbar est non-seulement fort honorable, mais en même tems très-lucrative : celui qui en est revêtu peut en trois ou quatre ans amasser une fortune immense. L’Anglois qui, après une gestion de trois ans, quitta ce poste en 1767, emporta avec lui en Europe plus de neuf millions de florins de Hollande ; et lorsque le lord Clive retourna la dernière fois en Angleterre, il prit avec lui, dit-on, un carool de roupies, ce qui fait quinze millions de florins de Hollande.

Il est vrai que les Mores ne supportent qu’avec beaucoup d’impatience le joug que les Anglois leur ont imposé ; et ils chercheroient sans doute bientôt à le secouer, si les forces supérieures que leurs oppresseurs ont dans ce pays leur permettoient de les en chasser. Le seul espoir qui leur reste donc, c’est que les Anglois