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Ce qui me surprit le plus dans cette lugubre et cruelle cérémonie, ce fut la parfaite tranquillité de la femme et la joie de ses parens. La malheureuse victime qui vit faire tous les préparatifs de sa mort affreuse, en parut beaucoup moins affectée que nous autres Hollandois ne l’étions en voyant le supplice auquel elle se livroit volontairement.

Comme je ne me trouvois qu’à deux ou trois pas du bûcher, du côté où les pieds de la femme en sortoient un peu, j’eus soin de remarquer si je n’y appercevrois pas quelque mouvement ; mais ils restèrent absolument immobiles, même pendant que tout brûloit avec violence.

Les femmes qui assistoient à cette pompe funèbre, et qui un jour ou l’autre dévoient subir le même sort, si leurs maris venoient à mourir avant elles, me parurent néanmoins se livrer sans affectation à toutes les démonstrations de la joie. Lorsqu’un Européen vient à toucher, même par accident, une de ces veuves condamnées à suivre son mari, il n’est plus permis de la brûler, parce qu’on la regarde alors comme déshonorée ; et celui qui commet une pareille prophanation doit s’attendre à quelque accident funeste, ou bien il faut qu’il se rachète par une forte somme