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riz dont elle forma une boulette qu’elle mit dans la bouche du défunt, et en plaça plusieurs autres dessous le bûcher. Deux bramines la conduisirent alors trois fois autour du bûcher ; tandis qu’elle jetoit du riz aux spectateurs qui le ramassoit avec un grand empressement. Au dernier tour elle mit une petite lampe en terre cuite allumée au pied de chaque coin du bûcher. Pendant tout ce tems on ne cessa de faire un terrible tintamare avec les tambourins et les cimbales, que les bramines et les parens accompagnoient de leurs cris. Après cette promenade autour du bûcher elle y monta d’un pas ferme, et se coucha au côté droit de son mari, qu’elle embrassa de ses deux bras. On étendit alors un drap blanc sur leurs corps, qu’on lia ensemble avec deux cordes autour des bras et du ventre ; cela fini, on les couvrit encore d’une couche de bois sec, de paille, de ghi et de courée. Son plus proche parent, à qui elle avoit donné l’anneau de son nez, vint ensuite avec une torche allumée mettre le feu à la paille, et tout se trouva bientôt en flammes. À cet instant on redoubla le bruit des instrumens et des voix ; de manière qu’il étoit impossible d’entendre cette infortunée, dans le cas qu’elle ait poussé quelques plaintes.