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portent sur l’épaule un gros bâton en forme de massue, dont le bout est enveloppé de chiffons de toile de toutes les couleurs. Il est dangereux de rencontrer ces pieux anachorètes dans les bois ou d’autres lieux écartés, car ils ne font aucune difficulté d’assommer ceux qui portent quelque chose qui leur fait envie. Ils parcourent le pays par troupes de deux à trois cents, et sont soumis à un chef général qui les reçoit et les consacre dans cet ordre, et sans la permission duquel ils ne peuvent y entrer. Ils saupoudrent de cendres leurs cheveux, qui leur tombent sur les reins ; quelquefois même ils s’y vautrent tout entiers, et se défigurent ainsi d’une manière affreuse. Il ne leur est pas permis de se marier ; mais ils savent se dédommager de cette contrainte en se livrant aux crimes les plus horribles. Ils se retirent ordinairement dans des lieux ombragés en plein air, ou dans de vieux bâtimens qui tombent en ruine, sans avoir la moindre chose pour se coucher ou pour se couvrir.

Ces fakirs font accroire au peuple que c’est par esprit de pénitence qu’ils se tiennent pendant toute leur vie dans telle ou telle attitude pénible ; cependant la plupart n’y sont incités que par une vaine gloire, pour captiver par-là l’attention et le respect de la multitude.