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qui ne fait d’autre métier pendant toute sa vie. Les artisans ne se livrent de même jamais qu’à une seule chose ; de sorte qu’un orfèvre en or ne travaille jamais en argent. Dans les arrengs ou ateliers des tisserans, un ouvrier ne s’occupe, pendant toute sa vie, qu’à la fabrication d’une seule espèce d’étoffe, à moins qu’on ne l’y contraigne par la force.

Ces ouvriers sont fort ingénieux et fort adroits ; j’en ai vu plusieurs exemples, particulièrement parmi les orfèvres, qui imitent parfaitement tous les modèles qu’on leur présente, pour ainsi dire, sans outils et avec une facilité si grande qu’un artiste européen en ce genre ne pourroit qu’en être surpris : cependant ces bonnes gens sont fort pauvres. Il y a même de jeunes garçons qui exécutent ces travaux ; ils se tiennent en nombre sur le bazar ou marché, où on va les prendre pour les occuper. Ils accourent alors avec une cassette qui renferme un petit enclune, un marteau, des pinces, des limes et un soufflet. On leur fournit ensuite chez soi un fourneau avec du feu ; et après qu’on leur a donné le modèle qu’on veut qu’ils imitent, on pèse l’or ou l’argent par roupies, en convenant du nombre d’anas, ou seizièmes parties de roupie qu’on leur payera pour leur peine, suivant le poids de