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la manière dont il avoit assassiné son bon maître, et sembloit détester son crime. Il étoit alors fort calme ; mais il ne tarda pas à jeter de grands cris en se plaignant de la soif qui le tourmentoit, sans que personne osât lui porter le moindre secours.

Ce châtiment, quelque cruel qu’il puisse paraître, est malheureusement nécessaire dans un pays où l’on est entouré et servi par un peuple perfide, qu’aucun principe de morale n’empêche de commettre les plus grands crimes. Les esclaves de Célèbes, et ceux de Macassar sur-tout, se livrent aux meurtres les plus atroces : la plupart doivent être comptés parmi ceux qu’on appelle amok-spuwers ; parce qu’ils ont continuellement à la bouche ce premier mot, qui veut dire tuer ; sur-tout lorsque, par une forte dose d’opium ou de quelque autre ingrédient, ils se sont plongés dans une espèce de frénésie, et parcourent ainsi en fureur les rues de Batavia, où ils tuent avec leur couteau ou quelque autre instrument meurtrier tous ceux qu’ils rencontrent, sans distinction d’âge ni de sexe, jusqu’à ce qu’on les ait abattus d’un coup de fusil, ou qu’on se soit rendu maître de leur personne. Cette rage ne les quitte qu’avec la vie : ils se jettent d’eux-mêmes dans les armes qu’on leur présente,