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les habitans de ce village qu’il en périt un grand nombre de besoin. Les mères venoient, mourantes de faim, aux maisons des Européens, pour les supplier de prendre leurs enfans comme esclaves, moyennant un peu de riz pour soutenir leur misérable existence. Pour comble de malheur, le village n’étoit pourvu que de fort peu d’approvisionnemens. Les Mores s’étoient de même rendus maîtres de la rivière ; de sorte qu’on ne pouvoit rien faire descendre par eau ; et il n’y avoit pas grande ressource vers le bas du fleuve. Les sept livres de riz se vendirent pendant les premiers jours jusqu’à une roupie ; après quoi on n’en trouva même plus du tout. Ceux qui, dans l’espoir d’un grand bénéfice, osèrent se hasarder à jeter quelques poulets par-dessus les haies, furent saisis par les Mores, qui leur coupèrent sur-le-champ le nez et les oreilles.

Voici l’origine de cette calamité. Le directeur de la Compagnie avoit négligé, depuis quelque tems, de satisfaire à certains droits que la Compagnie est tenue de payer au nabab pour toutes les marchandises qui montent ou descendent le Gange. Le nabab, à qui ces droits appartiennent d’après les conventions faites, voulant qu’ils lui fussent acquittés, donna ordre au fausdar d’Hougly, dont je