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que fort peu de femelles dans le nombre de ceux qu'on a rapportés, ce qui ne leur a pas permis de se multiplier aussi promptement que les gérofliers. Ces heureuses tentatives méritent de fixer toute l'attention des Colons ; mais il est à craindre que les Européens qui passent dans cette île , ne les fassent errer de projets en projets, en leur communiquant leurs idées systématiques, & qu'ils n'abandonnent le café, pour planter du coton, qu'ils arracheront ensuite pour planter la canne à sucre, le blé, le maïs ou le manioc. D'ailleurs, ce qui nuira toujours aux progrès de la culture, c'est qu'aucun Européen n'y passe dans le dessein de s'y fixer; on y va pour trois ou quatre ans, pendant lesquels on cherche à s'enrichir, en exposant le peu d'argent qu'on y porte sur les vaisseaux qui vont acheter des hommes à Madagafcar ou à Mozambique, commerce ordinairement lucratif, comme la plupart de ceux qui avilissent la Nature.

L'habitant n'emploie jamais ses bénéfices à l'amélioration des terres ; les esclaves ne travaillent que nonchalamment; que peut-on attendre d'un malheureux qu'on force à grands coups de fouets de rapporter l'intérêt de ce qu'il coûte ? J'ai connu des maîtres humains & compadflans, qui ne les maltraitant point,adoucinbient leur fervitude, mais ils font en très-petit nombre. Les autres exercent fur leurs Nègres une tyrannie cruelle & révoltante. L'efclave après avoir travaillé toute la journée, fe voit obligé de chercher fa nourriture dans les bois, & ne vit que de racines malfaifantes. Ils meurent de misère & de mauvais traitement , fans exciter le moindre fentiment de commiféradon ; aussi ne laissent-ils pas échapper l'occasion de briser leurs fers, pour aller chercher dans les forêts l'indépendance & la misère.