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VOYAGE AUX INDES

jusqu’aux genoux, met dans des trous sur les bords des rivières.

On ne trouve pas chez eux un seul Peintre ; ils ne mettent ni dessin ni composition dans leurs ouvrages. Il est vrai qu’ils appliquent agréablement les couleurs sur le verre ; mais les couleurs pures & tranchantes qu’ils posent les unes à coté des autres, ne peuvent être appellées peintures que par ceux qui ne s’y connoissent point. Leurs tableaux mal déssinés ne brillent que par l’enluminure : après les avoir tracés, ils ne les ébauchent point pour juger de leur effet, mais ils travaillent séparément chaque partie, & la finissent sans songer à l’ensemble. Incapables de rien composer, ils calquent tout ce qu’ils peignent ; & comme celui qui peint la tête & les bras ne sait pas peindre les draperies, le tableau passe dans une seconde main, & de-là dans une troisiéme qui se charge du fond : de plus ils n’ont aucune idée de la perspective, le fond est aussi brillant en couleur que les figures, & c’est dans les nues qu’ils placent les lointains.

Quant à la Sculpture, ils la connoissent à peine : point de statues de marbre ni de pierre. On voit seulement dans leurs Pagodes quelques grandes figures de bois ou de carton peint ; elles sont toutes gigantesques, difformes & sans proportion : toute la figure est unie par deux morceaux de bois qui correspondent de la tête aux pieds, & la font tenir droite sur ton piédestal ; aussi n’ont-elles aucune grâce. On connoît leurs Magots, qui sont aujourd’hui répandus dans toute l’Europe. Ils modèlent encore le portrait, mais de la manière dont ils travaillent, c’est un hazard quand ils saisissent la ressemblance : l’artiste fait d’abord une tête d’imagination, pendant qu’un de ses apprentifs fait le corps séparément ; ensuite il

tâche