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ET A LA CHINE. Liv. IV.

Les Ordonnances rendues par le Gouvernement sont toujours affichées, mais elles n’ont de vigueur qu’autant qu’elles résistent aux injures de l’air : quand l’affiche n’existe plus, on cesse de les respecter, & l’inobservation n’en est point punie. S’il se commet un crime, ou quelque chose contre le bon ordre, il ne parvient point à la connoissance du Gouvernement ; le premier Mandarin instruit de l’affaire se transporte sur les lieux, & fait punir les coupables ; mais avec de l’argent on évite la bastonade.

Qu’on cesse donc de vanter ces mœurs si douces, ce Gouvernement si sage, où ke Peuple gémit sous le joug de l’oppression & de la misère ! est-ce là de quoi justifier les éloges pompeux de nos faiseurs de relations ? il est vrai qu’en déguisant des faits réels, ils ont attribué gratuitement aux Chinois des coutumes horribles : on a prétendu qu’un Chinois pouvoit tuer sa femme ou ses filles, sans craindre d’être poursuivi par les loix ; mais si quelques malheureux ont pu commettre de tels crimes, on ne doit point en inculper la Nation. On pourroit imprimer la même tache à tous les peuples, si l’on se bornoit à rassembler des crimes isolés.

Il ne faut pas non plus les accuser de parricides, si dans l’extrême indigence ils exposent leurs enfans, ou les vendent pour leur assurer une subsistance qu’ils sont hors d’état de leur donner. Les Indiens regardent comme une punition de Dieu de n’avoir point d’enfans ; la Religion leur prescrit d’en avoir beaucoup, & de les aimer s’ils veulent être heureux : cependant dans les tems de famine on voit les pères & les mères les plus tendres nous livrer leurs enfans pour quel-