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VOYAGE AUX INDES

que l’on prétend, étoit établi dans les premiers tems pour diriger l’Empereur, l’instruire & lui apprendre à gouverner, osoit faire des remontrances comme on nous l’assure, chacun de ces Censeurs périroit dans les supplices.

L’empereur Ti-fang en poignarda onze de sa propre main, & les fit scier en deux, pour avoir osé dévoiler la haîne du Peuple qu’il avoit méritée par ses cruautés.

Quoiqu’on ait dit que les places des Mandarins ne s’accordoient qu’au mérite, il est pourtant vrai qu’elles s’achetent : les charges vénales exigent bien quelques épreuves, mais moyennant des présens, les Juges ferment les yeux sur l’examen. Un Marchand riche peut acheter une place de Mandarin pour son fils ou pour lui ; dès ce moment il est distingué par un bouton d’or qu’il porte à son bonnet, & se trouve exempt du Chabouk, qu’un Mandarin qui passe peut faire donner à tous ceux q’il lui plît. Les places de Mandarin de guerre sont plus communes ; on ne peut y être reçu qu’après avoir subi des épreuvent qui consistent à couper une branche avec un sabre d’un poids énorme, à lever, à bras tendus, des choses très-pesantes, à courir des la vase avec des souliers dont les semelles sont de cuivre, & pèsent au moins trente livres. Quand le Gouvernement connoît un Marchand riche, il le fait Mandarin de sel, pour le dépouiller honnêtement de sa fortune. Cette charge, très-lucrative dans d’autres pays, donne quelque considération à la Chine, mais finit toujours par ruiner ceux qui la possèdent. Un chinois fort avare ayant été nommé Mandarin de sel en 1772, aima mieux mourir que de la gérer ; il se renferma dans une urne, & y périt le quatrième jour.