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108                                  VOYAGE AUX INDES


dans des défilés où les Espagnols ne pouvoient les attaquer. Ils ont emporté dans le féjour qu’ils ont choisi, le souvenir des maux qu’on leur a faits, & de ceux dont ils ont été menacés; ils nourrissent au fond de leur asyle une haine implacable contre des étrangers qu’ils regardent comme les oppresseurs de leur terre natale, ils y méditent & préparent sans cesse les moyens de se venger. Fortifiés par leur courage, animés par la haine, ils osent approcher jusqu’aux portes de la Capitale ; leurs courses sont toutes marquées par le pillage, le meurtre, les ravages & les enlévemens. Ils vivent aux dépens de leurs compatriotes mêmes qui se sont soumis ; ils leur enlèvent, leur arrachent le soutien d’une vie misérable que ceux-ci n’ont ni la force ni le courage de défendre.

On trouve encore dans les montagnes des habitans absolument sauvages ; ils fuient à l’aspect de l’homme, ils se fuient même entre eux, ils errent seuls ; ils s’arrêtent où la nuit les surprend, ils couchent dans les creux des arbres, il n’y a pas même entre eux de famille. L’invincible force de la Nature seule plie leur caractère intraitable, & contraint les hommes à rechercher les femmes que le hasard leur offre, & vers qui le besoin les entraîne.

Les habitans de l’île de Luçon s’appellent Tagals ainsi que tous ceux des Philippines, ils paroissent tirer leur origine des Malais, & en offrent les traits ; leur langage quoique différent du Malais, en a la prononciation & la douceur. Toutes ces îles paroissent être habitées par un même peuple, dont les coutumes seules ont changé : à Manille, il y a eu tant de mélange avec les Chinois & d’autres Nations, qu’ils ne forment plus qu’un peuple varié.