Nemo, prisonnier dans son Nautilus a recherché l’indépendance sous les mers, moi je veux vivre dans cet élément, et le parcourir d’un pôle à l’autre. L’audacieux Michel Ardan s’est enfermé dans un boulet pour aller graviter à quelque milles lieues de la terre ; moi je veux courir d’une planète à l’autre. Voilà ce que je veux, Docteur ! Est-ce donc impossible ?
Ox (d’une voix forte) : Non !
Éva : Qu’osez-vous dire, Monsieur ?
Ox : Non, mille fois non ! ce que tu aspires a connaître, tu le connaîtras et tes yeux verront ce que tu aspires a voir, si ton courage ne faiblit pas.
Georges : J’oserai tout, parlez, mais il ne s’agit point ici d’un vain rêve ?
Ox : C’est dans la réalité même que je te conduirai.
Georges : Dans la réalité !
Ox (tirant un flacon de sa poche) : Vois ce flacon, quiconque aura bu quelques gouttes de cette liqueur, sera emporté avec la rapidité de la foudre et dans les conditions d’une vie nouvelle jusqu’aux milieux interdits à l’homme ! Plus d’intervalles de temps, plus d’intervalles de distances ! On vole, prompt comme l’éclair, les jours s’écoulent en quelques secondes, les années en quelques minutes.
Georges : Et j’irai aussi jusqu’au feu central ?
Ox : Oui !
Georges : Et jusqu’au fond des mers ?
Ox : Oui.
Georges : Et jusqu’où je voudrai dans l’espace ?
Ox : Oui.
Georges : Ah ! ce serait bien réellement l’impossible.
Ox : L’impossible que tu réaliseras, parce que j’aurai donné à ton corps la faculté de ne pas brûler où l’on brûle, de ne pas se noyer là où on se noie, de respirer, là où il n’y a plus d’air respirable. Et après avoir été emporté comme dans un tourbillon, tu reviendras héros de l’impossible, ayant fouillé les plus insondables mystères de la nature.
Éva : Une pareille tentative n’est pas seulement insensée, elle est coupable, Georges, elle est sacrilège.
Mme de Traventhal (effrayée) : Oui, ma fille a raison, au nom du ciel, Monsieur, plus un mot…