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Éva : Lui, c’est toute mon âme.

Ox : Tais-toi.

Éva : Lui, c’est tout mon bonheur, tout mon amour…

Ox (avec force) : Assez ! assez, te dis-je !

Éva : Et c’est en l’égorgeant que vous voulez arriver jusqu’à moi !… Ah ! vous m’assassinez, et vous voulez que je vous aime !… Eh ! bien, sachez-le donc, tout ce que vous ressentez d’aversion pour Georges que j’adore, moi, je le ressens pour vous… vous le haïssez… je vous hais.

Ox (hors de lui) : Éva… Mais qu’éprouvé-je donc ? Sa voix frémissante de colère et de haine a retenti jusqu’au fond de mon âme ! Ah ! c’est que je me résignerais peut-être à la douleur de ne pas être aimé de toi ; mais à en être haï, jamais ! Oh ! malheureux que je suis, j’aurai surpris les plus redoutables secrets de la nature, j’aurai acquis une science surhumaine, pour que tout cela vienne misérablement s’anéantir aux pieds d’une enfant !… Ah ! il l’avait bien dit ce Capitaine Nemo, c’est dans votre cœur même qu’elle trouvera des armes contre vous !… Eh ! bien oui ! mon orgueil est vaincu, oui, mon cœur est brisé !… Je te supplie, je t’implore, je suis à tes genoux… ne me hais pas Éva ! ne me hais pas !

(Il s’y traîne en effet et veut lui saisir la main.)

Éva (se dégageant) : Laissez-moi !… Laissez-moi !…

Ox : Je te demande grâce, Éva !… Écoute !… veux-tu que je devienne ton humble serviteur, ton esclave !…

Éva : Non !

Ox : Eh ! bien ! tiens ! mille fois plus encore ; le sien, son esclave, à lui… à ce Georges !… Ah ! ce serait un bien grand sacrifice, et bien déchirant je te le jure, n’importe, dis un mot, un mot de compassion, de pitié et je l’accomplirai, mais ne me hais pas, ne me hais pas !… Éva… ne me hais pas !…


Scène VII

Les mêmes, Volsius.

Volsius : Ma fille !

(Éva entre lentement dans la maison.)

Ox (faisant un mouvement pour suivre, Volsius se place sur son passage et tous deux se regardent en face) : Éva !…

Volsius : La femme t’écrasera la tête sous son talon !

Ox (suivant Éva des yeux) : Cette terrible malédiction, vient-elle donc à travers des siècles s’appesantir sur moi ?… Non, je triompherai de cet amour, je l’arracherai de mon cœur !… Ah !… je ne peux pas !… Je ne pourrai jamais !…

La femme t’écrasera sous son talon !…

Changement