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Volsius : Mais on m’avait annoncé quatre étrangers et…

Tartelet : Nos compagnons de voyage sont ici près… occupés à regarder de grands travaux que l’on exécute.

Volsius : C’est un gigantesque ouvrage entrepris par nos ingénieurs.

Georges : Oui, oui, gigantesque en effet ! Des portes colossales et d’immenses écluses semblent destinées à livrer passage aux flots d’un océan qui va s’élancer tout entier hors du lit creusé par la nature.

Volsius : Vous ne vous êtes pas trompés, c’est bien de cela qu’il s’agit, messieurs.

Georges : Mais la raison ? Le but ?

Ox : Ce monde que nous venons d’aborder compte par millions ses années d’existence. Il a épuisé le sol pour nourrir ses populations devenues innombrables. Il a épuisé ses carrières afin de les loger ; il a creusé des mines sans fond afin de satisfaire aux besoins d’une civilisation et d’une industrie à outrance, en sorte que, de toutes parts, d’immenses trouées sillonnent cette planète, jusqu’en ses dernières profondeurs.

Valdemar : Mais on n’est pas en sûreté ici !…

Volsius : Non ! Car le feu central qui n’est plus contenu dans des parois assez solides, menace de se faire jour au dehors.

Ox : Et des milliers de cratères peuvent s’ouvrir d’un instant à l’autre…

Tartelet : Eh bien ! nous sommes arrivés dans un joli moment !

Valdemar (à Volsius) : Pardon, Monsieur, pour aller à Copenhague s’il vous plaît ?

Volsius : Rassurez-vous, nos savants ont trouvé, disent-ils, le moyen de parer, à la fois, au danger de mourir, ou par la faim ou par le feu !

Georges : Et ce moyen ?

Ox (ironiquement) : D’abord mettre en culture ces vastes plaines que recouvre la mer qu’ils veulent déverser par les immenses cavités dont je viens de parler, jusqu’au centre de cette planète !

Volsius : Où elle éteindra le feu qui menace de faire irruption !

Georges : Ils oseront accomplir cet incomparable travail ?

Ox : Cette formidable folie !…

Georges : C’est une merveilleuse conception à l’exécution de laquelle je voudrais prendre part.

Volsius : Rien de plus facile, car c’est aujourd’hui même qu’aura lieu l’ouverture de ces gigantesques écluses que vous avez vues tout-à-l’heure. Venez, Messieurs, avant de vous conduire à notre Capitale, nous vous ferons, ma fille et moi, les honneurs de notre maison

(Georges et Ox se dirigent vers la maison à droite, Volsius les suit).

Tartelet (tirant son mouchoir et laissant tomber un papier) : Allons !… tiens !… Qu’est-ce que c’est que ça ?… Ah !… la dépêche que l’on m’a remise sur terre pour Valdemar et que j’ai oublié de lui donner… Eh ! Valdemar !… Valdemar !

(Georges, Ox et Volsius sont entrés dans la maison. Au moment ou Valdemar va les suivre Tartelet le ramène par le bras.)


Scène IV

Tartelet, Valdemar.

Valdemar : Monsieur Tartelet !

Tartelet : Mon ami, au moment ou nous allions prendre place dans la Colornbiad, il est arrivé une dépêche pour vous.

Valdemar : Et cette dépêche ?

Tartelet : Vous n’étiez pas encore là… on me l’a remise… et… ma foi… je vous avoue que je l’ai oubliée dans ma poche !

Valdemar : Ah ! Grand Dieu !… une réponse !… une réponse de Mademoiselle Babichok !… Mais donnez donnez donc… donnez donc !…

Tartelet (donnant la dépêche) : La voici !

Valdemar (lisant) : « Terrible événement… au banquet de la noce cousin Finderup a avalé une arête qui l’a étranglé » (tristement) : Mort… il est mort, ce pauvre Finderup est m… (souriant) Pendant le banquet de noce !… eh !… eh !… eh !… entre midi et une heure alors… et Babichok est veuve (très joyeux) : Ah !… Ah !… Ah !… veuve… elle est veuve, mon ami… le jour même de son mariage… Eh !… Eh !… Eh !… et entre midi et une heure… Ah !… ah !… ah !

Tartelet : Achevez donc la dépêche…

Valdemar : Oui… oui… j’achève (très tristement) : Cousin Finderup a avalé arête… cousin Finderup étranglé ! (gaiement) « Reviens vite… (avec sentiment) : qu’importe que tu sois resté un peu gros si le diamant l’est beaucoup. » (Parlé) : Ah ! c’est gentil, ça, c’est délicat, c’est tendre…

Tartelet : Près tendre… oui…

Valdemar : Babichok !… Chère Babichok, elle m’espère, elle m’attend… vite… vite… Je cours la rejoindre… des chevaux… une voiture, un chemin de fer…

Tartelet : Vous voulez traverser en voiture, en chemin de fer, l’espace… l’infini…

Valdemar : C’est vrai… je n’y pensais plus… Comment, c’est ici que vous me remettez cette dépêche !

Tartelet : Hélas ! oui !…

Valdemar : Quand là-bas, au moment où elle