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LA LÉGENDE DORÉE

foule entière élut Silvestre pour le remplacer. Ainsi devenu souverain pontife, Silvestre fit dresser la liste de tous les orphelins, de toutes les veuves et de tous les pauvres, et ordonna que l’on pourvût aux besoins de tous. Il institua le jeûne du mercredi, du vendredi, et du samedi, et décréta que le jeudi serait réservé au Seigneur de même que le dimanche, donnant pour motifs que : 1o le jeudi est le jour où Jésus est monté au ciel ; 2o que c’est le jour où il a institué le sacrement de l’Eucharistie ; 3o que c’est le jour où l’Église prépare le saint chrême.

II. Constantin s’étant mis à persécuter les chrétiens, Silvestre sortit de Rome et se retira avec son clergé sur une montagne voisine. Mais voici que Constantin lui-même, en châtiment de sa persécution, fut atteint d’une lèpre incurable. Les prêtres des idoles lui conseillèrent alors de faire égorger, aux portes de la ville, trois mille enfants, et de se baigner dans leur sang tout chaud. Mais, en arrivant au lieu où tous les enfants étaient rassemblés, Constantin vit les mères de ces enfants qui accouraient au-devant de lui, les cheveux dénoués, et avec des gémissements à fendre l’âme. Alors, tout en larmes, il fit arrêter son char ; et, se tenant debout, il dit : « Écoutez-moi, comtes, chevaliers, et gens du peuple, qui m’entourez ! La dignité du peuple romain naît de la pitié qui a toujours présidé à nos mœurs ; et c’est cette pitié qui, jadis, a fait décréter la peine de mort contre quiconque tuerait un enfant, même à la guerre. Or quelle cruauté serait-ce, si nous faisions nous-mêmes à nos enfants ce que nous défendons que l’on fasse aux enfants de nos ennemis ? À quoi nous servirait d’avoir vaincu les barbares, si nous nous laissions vaincre, nous-mêmes, par la barbarie ? Donc, que la pitié triomphe, dans cette circonstance ! Mieux vaut pour moi mourir et conserver la vie à ces innocents que de recouvrer, par leur mort, une vie souillée de cruauté ! » Et il ordonna que les enfants fussent rendus à leurs mères, et reconduits chez eux avec des présents, de telle sorte que les mères, qui étaient venues en pleurant d’angoisse, revinrent dans leur maison en pleurant de joie. Quant à l’empereur, il s’enferma