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CLXXIII[1]


SAINT PASTEUR, ABBÉ


Saint Pasteur demeura de longues années au désert, avec ses frères, et se distingua par sa sainteté. Sa mère désirait beaucoup revoir ses fils ; et comme ils s’y refusaient, elle se rendit un jour au devant d’eux pendant qu’ils allaient à la ruche. Mais aussitôt ils s’enfuirent dans leurs cellules, dont ils barricadèrent les portes. Et elle, debout devant la porte de la cellule de Pasteur, pleurait et gémissait. Pasteur, à travers la porte, lui dit : « Vieille femme, qu’as-tu à crier ainsi ? » Mais elle, entendant sa voix redoublait ses cris, disant : « Je veux vous voir, mes chers fils ! Est-ce donc mal, que je vous revoie ? Ne suis-je pas votre mère, qui vous ai allaités ? » Et son fils : « Veux-tu nous voir dans ce monde-ci ou dans l’autre ? » Et elle : « Si je ne peux pas dans celui-ci, que du moins je le puisse dans l’autre, mes enfants ! » Et Pasteur : « Si tu te résignes chrétiennement à ne pas nous voir dans ce monde-ci, tu nous verras certainement dans l’autre ! » Sur quoi la vieille s’en alla toute réconfortée.

Le juge de la province voulait, lui aussi, voir Pasteur, qui refusait de se laisser voir. Ce jugé fit alors jeter en prison le neveu de l’ermite, en disant : « Si Pasteur vient intercéder pour lui, je le relâcherai ! » La mère de l’enfant vint pleurer devant la porte de Pasteur. Et comme celui-ci ne lui répondait pas, elle lui dit : « Si même tu as des entrailles de fer, insensibles à toute compassion, qu’au moins la voix du sang te parle en faveur de mon fils ! » Mais son frère se borna à lui faire répondre : « Pasteur n’a jamais eu de fils ! » La mère du prisonnier revint toute en larmes auprès du juge, qui lui dit : « Qu’au moins ton frère dise un mot pour ton fils et je le remettrai en liberté ! » Mais Pasteur se borna à lui répondre : « Exa-

  1. Les cinq chapitres qui suivent forment, en appendice à la Légende des Saints, une sorte de manuel de la vie monastique.