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prends l’allusion que contient ton récit. Mais dis-moi, père, quel âge tu as et où tu demeures, car je ne veux pas me séparer de toi. » Et Barlaam : « Il y a quarante-cinq ans que je demeure au désert de Sennaar. » Alors Josaphat : « Mais tu as l’air d’avoir plus de soixante-dix ans ! » Et Barlaam : « Oui, tel est mon âge, si l’on compte mes années depuis ma naissance. Mais je n’admets pas que l’on compte, dans la mesure de ma vie, le temps que j’ai dépensé aux vanités du monde : car pendant ce temps-là j’étais mort, et des années de mort ne doivent pas compter dans la vie. » Et comme Josaphat insistait pour le suivre au désert, Bariaam lui dit : « Si tu le fais, je ne pourrai jouir de ta société, et je serai cause de persécution pour mes frères ! Reste plutôt ici ; et quand tu jugeras le temps opportun, tu viendras me rejoindre ! » Puis, ayant baptisé le prince, il l’embrassa une dernière fois et s’en retourna au désert.

Quand le roi apprit que son fils était devenu chrétien, il en éprouva une vive douleur. Alors un de ses amis, nommé Arachis, pour le consoler, lui dit : « Je connais un ermite qui est de notre religion et qui ressemble tout à fait à Barlaam. Que cet homme, se faisant passer pour Barlaam, défende d’abord la foi chrétienne ; puis qu’il se laisse réfuter et renie son christianisme ; et ton fils le reniera, lui aussi ! » Le roi feignit donc d’organiser une grande expédition pour rechercher Barlaam, et fit savoir à son fils qu’il l’avait retrouvé. Ce qu’apprenant, Josaphat se désola d’abord de la capture de son maître ; mais bientôt Dieu lui révéla que ce n’était pas le vrai Barlaam. Alors le roi, venant chez son fils, lui dit : « Mon enfant, tu m’as causé une grande tristesse, tu as déshonoré mes cheveux blancs et tu m’as ôté la lumière de mes yeux ! Pourquoi, mon cher fils, as-tu abandonné le culte de mes dieux ? » Et Josaphat : « Mon père, pourquoi t’affliger de ce que j’aie été admis à participer d’un grand bien ? Quel père a jamais paru triste de la prospérité de son fils ? » Sur quoi le roi ; furieux, se plaignit à Arachis de l’endurcissement de Josaphat. Arachis lui conseilla de ne pas lui parler aussi sévère-