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excite à bavarder en désordre, à se perdre en paroles inutiles et à ouvrir la bouche tous en même temps. » Enfin Dominique le conduisit au chapitre du couvent : mais le diable ne voulut à aucun prix, y pénétrer, disant : « Ce lieu-ci est pour moi la malédiction et l’enfer, car j’y perds tout ce que j’ai gagné dans le reste du couvent. Dès que j’ai amené un frère à pécher, il vient se purger ici de sa faute et la confesser publiquement. » Et, cela dit, il disparut.

C’est à Bologne que Dominique sentit les premières atteintes de la maladie qui devait l’emporter. Il vit en rêve un beau jeune homme qui l’appelait, et lui disait : « Viens, mon bien-aimé, viens à la joie, viens ! » Aussitôt il rassembla les frères de Bologne, au nombre de douze, et leur remit son testament, en leur disant : « Voici ce que je vous laisse en héritage paternel : la charité, l’humilité et la pauvreté ! » Il défendit, par tous les moyens possibles, que son ordre pût jamais posséder aucun bien temporel, appelant la malédiction de Dieu sur celui qui voudrait souiller, de la poussière des richesses terrestres, l’ordre des Frères Prêcheurs. Et comme ses frères se désolaient de son état, il leur dit doucement : « Mes fils, que la dissolution de mon corps ne vous trouble point ! Et ne doutez point que, mort, je vous serai plus utile que je ne l’ai été de mon vivant ! » Puis il s’endormit dans le Seigneur, en l’an 1221.

II. Sa mort fut aussitôt révélée au Frère Guale, qui était alors prieur des dominicains de Brescia, et qui devint plus tard évêque de cette ville. Ce saint homme sommeillait dans la chapelle du couvent, la tête appuyée au mur, lorsqu’il vit le ciel s’ouvrir pour livrer passage à deux échelles blanches, dont l’une était tenue par le Christ, l’autre par la Vierge, et le long desquelles montaient et descendaient joyeusement des anges. Entre les deux échelles était attaché un siège où se tenait assis un frère, la tête couverte d’un voile ; et Jésus et la Vierge tiraient les échelles jusqu’à ce que le siège fût entré dans le ciel. Et Guale, étant venu ensuite à Bologne, apprit