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XXIII
INTRODUCTION

Et de même que maintes images de la Vierge, sans prétendre le moins du monde à être des portraits, ont reçu de Dieu le pouvoir d’opérer des miracles, de même rien ne nous empêche d’admettre que Dieu, s’il le juge bon, puisse prêter aux légendes de ses saints une réalité supérieure. Cela encore était une des croyances favorites des grands âges chrétiens ; et la trace s’en retrouve à chaque page dans la Légende Dorée. Nous y lisons, par exemple, l’histoire d’un gardien d’église qui, au lieu de donner à un pèlerin un vrai doigt de saint Augustin, s’était amusé à lui donner le doigt d’un pauvre homme qui venait de mourir : après quoi, apprenant que ce doigt faisait des miracles, il était allé voir le corps du saint, et s’était aperçu qu’un doigt y manquait. Rien n’est impossible à Dieu ; et il n’y a point de Vivès, de Launoi, ni de Baillet, dont l’érudition prévaille contre cet article de foi.

Je ne crois pas, au reste, que personne s’avise plus, aujourd’hui, de reprocher à la Légende Dorée la faiblesse de sa critique, ni l’incohérence de sa chronologie. Et je suis sûr que personne ne pourra s’empêcher de sentir l’exquise douceur poétique de cette Légende, son charme ingénu, mais, par-dessus tout, la pureté et la beauté incomparables de l’esprit chrétien dont elle est imprégnée. Quelque opinion que l’on ait de l’exactitude documentaire de chacun de ses récits, on reconnaîtra que leur ensemble forme un manuel parfait de la vie suivant l’Évangile, un manuel infiniment varié, et d’autant mieux adapté aux diverses conditions de l’existence humaine. Car la Légende Dorée restera toujours ce que son auteur