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XX
INTRODUCTION

ainsi ils se sont trouvés empêchés de réfléchir au sens et à la portée du vieux livre ; de telle sorte qu’au lieu d’honorer en Jacques de Voragine l’un des plus érudits en même temps que le plus vénérable de leurs devanciers, il n’y a pas d’injure dont ils ne l’aient accablé : poussés, par leur indignation, jusqu’au calembour, car les uns l’appelaient un « gouffre d’ordures », jouant sur le sens latin du mot vorago, tandis que d’autres déclaraient que sa Légende n’était pas d’or, mais de fer et de plomb. Ils ne lui pardonnaient pas, notamment, d’avoir mis saint Georges aux prises avec un dragon avant de le mettre aux prises avec les tenailles du préfet Dacien, ni d’avoir raconté que saint Antoine avait rencontré au désert un centaure et un satyre, ni d’avoir conduit à Rome les onze mille compagnes de sainte Ursule, ni, en maints endroits, d’avoir confondu les noms et brouillé les dates.

Et certes je ne prétends pas que, à la considérer au point de vue historique, la Légende Dorée ne contienne pas d’affirmations inexactes, ou, tout au moins, d’une exactitude à jamais incertaine. Je croirais volontiers, plutôt, qu’elle en est remplie, comme tous les ouvrages historiques de son temps, comme ceux de tous les temps ; et, sans doute, les écrits mêmes de Vivès et de Launoi, si un érudit voulait aujourd’hui les contrôler à ce point de vue, apparaîtraient, eux aussi, amplement pourvus d’erreurs et de légendes. Mais, d’abord, ainsi que le dit très sagement Bollandus, rien n’est plus injuste que d’attribuer à Jacques de Voragine la responsabilité d’affirmations qu’il a, toutes, puisées