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prends ce pain et va le jeter en un endroit où aucun homme ne puisse y toucher ! » Alors le corbeau se mit à voler autour du pain avec le bec ouvert et les ailes déployées, comme expliquant qu’il aurait voulu obéir, et ne le pouvait pas. Et le saint lui disait : « Prends, ne crains rien, et fais ce que je te dis ! » Enfin le corbeau prit le pain et s’envola ; et il revint sain et sauf au bout de trois jours. Sur quoi Florent, voyant qu’il ne pouvait tuer le corps du maître, entreprit de faire périr l’âme de ses disciples. Il amena dans le jardin du monastère sept jeunes femmes nues qui chantaient et dansaient, pour engager les moines à la volupté. Ce que voyant de la fenêtre de sa cellule, Benoît craignit pour ses disciples, et, prenant avec lui quelques uns d’entre eux, s’en alla demeurer ailleurs. Mais au moment où Florent, debout sur le seuil, se réjouissait de le voir partir, il fit un faux pas et se tua sur le coup. Alors Maur, courant vers saint Benoît, lui cria avec enthousiasme : « Reviens, car l’homme qui te persécutait vient de mourir ! » Mais, en l’entendant, Benoît soupira, désolé à la fois de la mort de son ennemi et de ce que son disciple préféré se fût réjoui de cette mort. Il infligea au moine une pénitence, et poursuivit son chemin.

Mais, en changeant de séjour, il ne changea point d’adversaire. Arrivé au mont Cassin, il transforma en une église, dédiée à saint Jean-Baptiste, un temple d’Apollon qui se trouvait là ; et il convertit à la foi les habitants du voisinage. Mais le vieil ennemi lui apparaissait tous les jours sous les formes les plus terribles, et, lançant des flammes par les yeux, lui disait : « Béni ! Béni ! » Et comme le saint ne répondait rien, le diable reprenait : « Maudit, maudit, et non Béni, pourquoi t’acharnes-tu à me persécuter ? » Un autre jour, les frères voulant soulever une pierre pour bâtir l’église, découvrirent que la pierre était si lourde qu’on ne pouvait la soulever. Alors saint Benoît fit le signe de la croix, et aussitôt il souleva la pierre avec une extrême facilité, ce qui prouva que c’était le diable qui avait pesé sur elle. Une autre fois, le diable apparut à saint Benoît et l’informa qu’il se rendait auprès