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Et il leur dit : « Prions, afin que, vous aussi, vous le voyiez ! » Et ils prièrent, et alors saint Maur vit le nain, mais l’abbé ne put le voir. Le lendemain, Benoît rencontra hors de la chapelle le moine entraîné par le diable ; il le frappa de son bâton ; et, depuis lors, ce moine ne manqua plus aux offices, comme si, de son coup de bâton, Benoît avait assommé le diable qui l’entraînait.

Trois des monastères étaient placés sur une montagne escarpée ; et les moines, qui avaient à descendre jusqu’en bas pour puiser de l’eau, suppliaient Benoît de transporter ailleurs leurs monastères. Or, une nuit, Benoît gravit la montagne avec un jeune frère, pria longtemps, et posa trois pierres en un certain lieu. Et le lendemain il dit aux moines : « Allez à l’endroit où vous trouverez trois pierres, et, là, creusez le sol ! » Ils y allèrent, virent que l’eau suintait déjà du rocher, creusèrent une fosse ; et aussitôt celle-ci se remplit d’eau ; et aujourd’hui encore l’eau en jaillit en telle abondance qu’elle descend jusqu’au bas de la montagne.

Un jour, un homme fauchait les ronces près du monastère, lorsque le fer de sa faux se détacha du manche et tomba dans un abîme sans fond, ce dont l’homme s’affligea fort. Mais saint Benoît mit le manche de la faux dans le creux de la fontaine, et bientôt le fer, sortant du rocher, nagea jusqu’au manche. Une autre fois, le jeune moine Placide, pendant qu’il puisait de l’eau, tomba dans le torrent, et, en un clin d’œil, roula jusqu’au bas de la montagne. Saint Benoît, dans sa cellule, en eut aussitôt la vision, et appelant le moine Maur, lui ordonna d’aller chercher Placide. Saint Maur, après avoir reçu la bénédiction de saint Benoît, se plongea dans le torrent, avec l’impression de marcher sur la terre ferme. Il rejoignit Placide, le retira de l’eau par les cheveux, et vint en rendre compte à saint Benoît, qui en attribua tout le mérite à l’obéissance de saint Maur.

Un prêtre, nommé Florent, jaloux du saint, empoisonna un pain et le lui envoya comme un présent. Le saint accepta l’envoi avec reconnaissance et dit à un corbeau qu’il avait l’habitude de nourrir : « Au nom de Jésus-Christ,