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reçut avec joie et disparut. Et ce mendiant était un ange qui, comme nous le dirons plus loin, se révéla ensuite lui-même à saint Grégoire.

III. Certain jour, saint Grégoire, passants sur le marché, vit de jeunes esclaves, d’une extrême beauté de forme et de visage, qui étaient à vendre. Il demanda au marchand, d’où étaient ces jeunes gens. Le marchand répondit qu’ils étaient de la Grande-Bretagne, et que tous les habitants de ce pays avaient les mêmes cheveux blonds et la même beauté de figure. Grégoire demanda s’ils étaient chrétiens. Et, apprenant qu’ils étaient païens, il s’écria : « Hélas, faut-il que d’aussi beaux visages appartiennent encore au prince des ténèbres ! » Il demanda comment s’appelait ce peuple, et le marchand lui dit qu’on l’appelait le peuple « anglique ». Et le saint dit : « Bien nommés sont-ils, ces Angliques, ou plutôt Angéliques, car ils ont vraiment des visages d’anges ! » Alors il se rendit auprès du Souverain Pontife et obtint de lui, à grand’force de prières, d’être, envoyé en Bretagne pour convertir les Anglais. Mais à peine s’était-il mis en route que les Romains, troublés de son départ, dirent au pape : « En renvoyant Grégoire, tu as offensé saint Pierre et détruit Borne ! » Si bien que le pape, effrayé, ordonna que l’on courût à sa poursuite pour le ramener. Et comme Grégoire, ayant déjà fait trois jours de route, s’occupait à lire en certain lieu, et que ses compagnons dormaient, une cigale survint qui le força à se distraire de sa lecture et lui dit qu’il eût à rester dans ce lieu. Aussitôt Grégoire exhorta ses compagnons à le quitter au plus vite, et, reprenant sa lecture, il resta immobile jusqu’à ce que les messagers du pape, l’ayant rejoint, le forcèrent à rentrer avec eux. Il rentra donc à Rome, bien malgré lui ; et le pape le fit sortir de son monastère, et le nomma son cardinal-diacre.

IV. Le Tibre, étant sorti de son lit, avait grossi d’une façon si démesurée qu’il avait coulé jusque par-dessus les murs de Rome, et avait renversé plusieurs maisons. Puis, quand l’inondation avait pris fin, une foule de serpents, dragons, et autres monstres, apportés par les flots