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XV
INTRODUCTION

rable, à mettre vivement en relief une contradiction, une invraisemblance, un risque d’erreur. Et de là ne résulte point que nous devions, aujourd’hui, admettre la vérité de tous ses récits : aucun d’eux, au moins dans le détail, n’est proprement article de foi. Mais par là s’explique que lui, l’auteur, admettant de toute son âme cette vérité, ait pu employer à ses récits une franchise, une chaleur d’imagination, et un élan d’émotion qui, depuis des siècles, et aujourd’hui encore, les revêtent d’un charme où le lecteur le plus sceptique a peine à résister. Ce livre n’a si profondément touché tant de cœurs que parce qu’il a jailli, tout entier, du cœur.


Et son unique objet était, précisément, de toucher les cœurs. Car la Légende Dorée est, à sa façon, un des signes les plus caractéristiques de son temps, du temps qui a produit saint François, saint Dominique, saint Louis, et rempli le monde d’églises merveilleuses. C’est un temps où, dans l’Europe entière, le peuple, s’éveillant enfin d’une longue somnolence, a commencé tout à coup d’aspirer fiévreusement à la vie de l’esprit. Tout à coup l’architecture, la sculpture, tous les arts se sont laïcisés, sont sortis des couvents pour aller au peuple. Et, de même, la pensée religieuse. En même temps qu’il s’occupait à construire des églises, le peuple réclamait d’être initié aux secrets de la théologie : il voulait qu’un contact plus intime s’établît désormais entre Dieu et lui. De là son enthousiasme à accueillir le Pauvre d’Assise, dont l’âme parfumée n’était qu’une expression plus haute et plus pro-