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envoyé par son père pour la tromper. Julienne lui demanda qui était son père. Et le démon répondit : « C’est Belzébuth, qui nous conduit à mal faire, et nous bat cruellement toutes les fois que nous nous laissons vaincre par les chrétiens. Aussi suis-je sûr de payer cher cette journée, où je n’ai pu triompher de toi ! » Et, entre autres choses qu’il lui avoua, il lui dit que les diables souffrent surtout pendant que les chrétiens célèbrent la messe, ou pendant que se font les prières et les prédications. Alors Julienne lui lia les mains derrière le dos, et, l’ayant jeté à terre, elle le battit rudement avec la chaîne dont on l’avait liée ; et le diable la suppliait avec de grands cris, lui disant : « Bonne Julienne, ayez pitié de moi ! » Puis, le préfet ayant donné ordre qu’on la tirât de sa prison, elle traîna derrière elle le démon, toujours lié. Et le démon la priait, en lui disant : « Madame Julienne, cessez de me rendre ridicule, ou bien jamais plus je ne pourrai avoir d’action sur aucun chrétien ! On dit que les chrétiens sont miséricordieux, et vous, cependant, vous ne voulez pas avoir un peu pitié de moi ! » Mais la sainte n’en continua pas moins à le traîner par tout le marché, après quoi elle le jeta dans une latrine.

Le préfet fit étendre sainte Julienne sur une roue qui lui broya tous les os jusqu’à en faire jaillir la moelle ; mais un ange détruisit la roue et guérit la sainte. Ce que voyant, tous les assistants crurent au Christ, et subirent aussitôt le martyre. Cinq cents hommes et cent trente femmes eurent la tête tranchée. Le préfet fit ensuite plonger la sainte dans une chaudière de plomb fondu ; mais le plomb se refroidit soudain au point de devenir comme un bain tiède. Alors le préfet maudit ses dieux, pour leur impuissance à punir une jeune femme qui leur faisait tant d’outrages. Puis il ordonna qu’elle eût la tête tranchée. Et comme on la conduisait à l’échafaud, voici que le démon qu’elle avait battu se montra de nouveau, cette fois sous l’apparence d’un jeune homme ; et il criait aux bourreaux : « Ne ménagez pas cette coquine, car elle a dit les pires choses de vos dieux, et m’a moi-même battu cette nuit ! Rendez-lui ce qu’elle mérite ! » Mais comme