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te fais pas de chagrin ! Ton pourceau te sera rendu ! » Et aussitôt on vit accourir le loup, qui rapportait à la veuve le pourceau qu’il lui avait pris.

III. Dès qu’il fut arrivé dans la ville, saint Blaise fut jeté en prison. Le lendemain, le gouverneur se le fit amener, et, d’abord essaya de le séduire par de douces paroles, lui disant : « Bonjour, Blaise ami des dieux ! » Et Blaise : « Bonjour aussi à toi, excellent gouverneur ! Mais ne donne pas le nom de dieux à des démons, qui rôtissent au feu éternel avec ceux qui les honorent ! » Le gouverneur, furieux, le fit battre de verges et reconduire dans sa prison. Et Blaise lui dit : « Insensé ! Espères-tu donc m’enlever, par tes punitions, l’amour d’un Dieu qui est en moi et qui me donne la force de supporter toutes les punitions ? » Apprenant qu’on l’avait mis en prison, la veuve à qui il avait fait rendre son pourceau tua le pourceau et lui en envoya la tête et les pieds, ainsi qu’un pain et une chandelle. Et saint Blaise rassasia sa faim, et fit dire à la veuve : « Offre tous les ans une chandelle dans l’église qui portera mon nom, et tu t’en trouveras bien, toi, et tous ceux qui feront comme toi ! » La veuve le fit tous les ans, et vécut depuis lors dans la prospérité.

IV. Cependant le gouverneur, voyant qu’il ne pouvait convertir le saint au culte des dieux, le fit suspendre à un poteau et ordonna qu’il lui labourât les chairs avec des pointes de fer. Après quoi il le fit ramener dans sa prison.

Or sept femmes, suivant le saint, recueillaient les gouttes de son sang. Le gouverneur les fit saisir et voulut les forcer à sacrifier aux dieux. Mais elles dirent : « Si tu veux que nous adorions tes dieux, fais les conduire au bord de l’étang, afin que, lorsqu’on les aura lavés, nous puissions les adorer ! » Le gouverneur y consentit volontiers. Et les sept femmes, empoignant les idoles, les lancèrent au milieu de l’étang, disant : « Si ce sont des dieux, nous le verrons bien ! » Et comme le gouverneur, exaspéré, invectivait ses officiers, qui avaient permis un tel sacrilège, les sept femmes lui dirent : « Si ces idoles avaient été des dieux, elles auraient bien prévu ce que nous avions