Page:Voragine - Légende dorée.djvu/160

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
127
SAINT JEAN CHRYSOSTOME

d’une autre secte, et j’ai bien le droit d’exiger une église pour mon culte, après tous les services que j’ai rendus à la république ! » Et Jean : « Tu as déjà reçu bien des récompenses, et au delà de ton mérite ! Tu as été créé tribun des soldats, tu as revêtu la toge consulaire : songe seulement à ce que tu étais autrefois et à ce qu’a fait de toi la faveur de ton maître ! Et, te rappelant tout cela, garde-toi d’être ingrat pour ton bienfaiteur ! » Ainsi il lui ferma la bouche, et le contraignit au silence. Mais Gaïmas, voyant qu’il ne pouvait rien contre lui ouvertement, ordonna à une troupe de barbares de mettre le feu, le nuit, à son palais. Et l’on sut alors avec quelle assistance saint Jean gardait la ville. Car la troupe des barbares vit s’avancer contre elle une troupe d’anges en armes, qui, aussitôt, les mirent en fuite. Ces barbares vinrent rapporter la chose à Gaïmas, qui en fut très étonné, se demandant quels pouvaient être ces soldats qu’il ne connaissait pas. La nuit suivante, le même miracle se reproduisit. Et, la nuit qui suivit celle-là, Gaïmas lui-même, s’étant mis à la tête de ses hommes, se trouva repoussé par une cohorte invincible, qu’il se figura être formée de soldats recrutés en secret par l’évêque, et tenus cachés par lui au fond de son palais. Sortant alors de Constantinople, il se rendit en Thrace, y réunit une grande armée de barbares, et s’apprêta à dévaster tout le pays. L’empereur, effrayé, chargea l’évêque Jean de se rendre auprès de lui en ambassadeur ; et Jean se mit courageusement en route, oubliant son inimitié. Or Gaïmas, ayant reconnu ses torts et le bon droit de l’évêque, vint au-devant de lui, lui baisa la main, et ordonna à ses fils d’embrasser ses genoux.

Vers le même temps surgit, dans l’église, la question de savoir si Dieu avait un corps ; et de cette question naquirent des luttes sans fin. La majorité des moines, dans leur simplicité, se laissèrent séduire par ceux qui soutenaient que Dieu avait un corps. Et comme, au contraire, l’évêque d’Alexandrie, Théophile, connaissant la vérité, avait solennellement condamné ceux qui prêtaient à Dieu une forme humaine, les moines d’Égypte,