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SAINT JULIEN

qui s’y passait ; mais le démon dut rester immobile pendant dix jours devant la cellule d’un moine, et revint vers Julien sans avoir pu continuer sa route. Et il dit à l’empereur : « J’ai attendu pendant dix jours que ce maudit moine s’interrompît de prier, car, sa prière m’empêchait de passer ; mais, le dixième jour, comme il ne s’interrompait toujours pas, j’ai dû rebrousser chemin et revenir ici. » Alors Julien, furieux, dit qu’en arrivant au désert il tirerait vengeance de ce moine.

Les démons lui avaient promis qu’il vaincrait les Perses. Son sophiste dit un jour à un chrétien : « Que penses-tu que fasse, à cette heure, le fils du charpentier ? » Et le chrétien répondit : « Il prépare le cercueil de Julien. » Et lorsque Julien arriva à Césarée de Cappadoce (ainsi que le raconte l’histoire de saint Basile, et que l’atteste Fulbert, évêque de Chartres), saint Basile vint au-devant de lui et lui fit présent de quatre pains d’orge. Et Julien, furieux, refusa de les prendre, et, en échange, fit porter à saint Basile une botte de foin, en disant : « Reçois l’équivalent de ce que tu m’as donné ! » Et saint Basile répondit : « Nous t’avons donné, nous, ce que nous mangions nous-mêmes ; et toi, tu nous as donné ce que tu fais manger à tes bêtes ! » Et Julien irrité, répondit : « Quand j’aurai soumis les Perses, je détruirai votre ville et y ferai promener la charrue, et elle méritera plus de s’appeler « frumentifère » qu’« hominifère » !

La nuit suivante, saint Basile vit en rêve une multitude d’anges réunis dans l’église de Notre-Dame. Et au milieu d’eux trônait une femme, qui leur disait : « Faites-moi venir tout de suite le vaillant Mercure, afin qu’il tue l’apostat Julien, qui, dans sa superbe, blasphème contre mon Fils et moi ! » Ce Mercure était un soldat chrétien que Julien avait mis à mort en punition de sa foi, et qui se trouvait enterré avec ses armes dans l’église Notre-Dame. Et aussitôt saint Mercure apparut devant l’auguste assemblée, et, sur l’ordre de la Vierge, se prépara au combat. Frappé de ce rêve, saint Basile, dès qu’il fut levé, fit ouvrir le tombeau de saint Mercure, et vit que le saint ni ses armes n’y étaient plus. Il