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SAINT JULIEN


II. Il y eut un autre saint Julien, qui fut originaire d’Auvergne, noble de race, mais plus noble encore de foi, et qui, par soif du martyre, allait au-devant de ses persécuteurs. Enfin le consul Crispin envoya un de ses officiers avec ordre de le tuer : ce qu’apprenant Julien courut à la rencontre de l’officier, et tendit son corps à ses coups. On porta sa tête coupé à son ami Ferréol, en le menaçant d’une mort semblable s’il ne sacrifiait aussitôt aux idoles. Et comme saint Ferréol s’y refusait, on le tua, et on mit dans le même tombeau son corps et la tête de saint Julien. Et de longues années après, saint Mamert, évêque de Vienne, trouva la tête de saint Julien entre les mains de saint Ferréol ; et cette tête était intacte et fraîche comme si on l’eût ensevelie le jour même. — Grégoire de Tours raconte qu’un paysan qui voulait labourer le dimanche eût aussitôt les doigts contractés de telle façon que la cognée dont il se servait pour nettoyer le soc de sa charrue se trouvât attachée à sa main ; et ce paysan ne fut guéri que deux années plus tard, dans l’église de saint Julien, sur les prières de ce saint.

III. Il y eut encore un autre saint Julien, qui était frère de saint Jules ; ces deux frères vinrent trouver l’empereur Théodose, qui était plein de zèle pour la foi chrétienne, et lui demandèrent la permission d’élever partout, sur leur chemin, des églises à la place des temples des idoles. L’empereur le leur permit volontiers, et leur donna un écrit aux termes duquel tout le monde devait leur obéir et les aider, sous peine de mort. Or, comme, près de Tours, saint Julien et saint Jules étaient occupés à construire une église dans un lieu nommé Joué, et se faisaient aider par tous les passants, une compagnie d’hommes, qui avaient à passer par là en voiture, se dirent : « Quelle excuse pourrions-nous trouver pour passer librement, sans devoir nous arrêter et travailler à construire l’église ? » Et ils se dirent : « Que l’un de nous se couche sur le dos, au fond de la voiture ; nous le couvrirons d’un drap et nous dirons que nous conduisons un mort : sur quoi on nous laissera passer librement. » L’un de ces hommes