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LA LÉGENDE DORÉE

ce que cet homme m’insultât un moment ? » Et il fit apporter le petit sac où était son argent, et ordonna que le mendiant y prît autant qu’il voudrait.

X. Le peuple ayant pris l’habitude de sortir de l’église, après l’évangile, pour aller bavarder vainement sur la place, le patriarche sortit un jour de l’église avec eux, après l’évangile, et s’assit au milieu d’eux sur la place. Et comme tous s’en étonnaient, il leur dit : « Mes chers enfants, la place du berger est au milieu de son troupeau. Ou bien donc vous rentrerez dans l’église et j’y rentrerai avec vous pour achever ma messe, ou bien vous resterez ici, et j’y resterai comme vous ! » Deux fois il fit de même, et ainsi il habitua le peuple à ne plus sortir de l’église pendant les offices.

XI. Un jeune homme avait enlevé une nonne, et le clergé l’accusait devant saint Jean, demandant qu’il fût excommunié : car il avait perdu deux âmes, la sienne et celle de sa maîtresse. Mais saint Jean se refusait à rien faire contre lui, disant à son clergé : « Non, mes fils, pas du tout ! Et c’est vous qui, en ce moment, commettez deux péchés. Vous péchez d’abord en allant contre le précepte du Seigneur, qui a dit : Ne jugez pas, vous ne serez pas jugés ! Et puis, vous péchez aussi par présomption, car vous ignorez si ces deux malheureux continuent à pécher, ou si, au contraire, ils ne commencent pas déjà à se repentir. »

XII. Souvent, pendant ses prières, le bienheureux saint Jean avait des extases où on l’entendait s’entretenir familièrement avec le Seigneur. Et quand, saisi de fièvre, il comprit qu’il allait mourir, il s’écria : « Je te remercie, mon Dieu, de ce que ta bonté ait exaucé le vœu de ma faiblesse, qui souhaitait de ne rien posséder en mourant qu’un seul drap de lit ! Et maintenant ce drap, va pouvoir, lui aussi, être donné aux pauvres ! » Après quoi il mourut, et son corps vénérable fut placé dans un tombeau où se trouvaient déjà les corps de deux évêques ; et voici que ces corps s’écartèrent miraculeusement, pour faire une place, au milieu d’eux, au bienheureux Jean.