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SAINT JEAN L'AUMÔNIER

Dieu que, après sa mort, le vrai sens de sa conduite pût être révélé à saint Jean et aux autres hommes. Il y eut une foule de courtisanes qui, grâce à lui, se convertirent et se vouèrent à la vie religieuse. Mais un matin, comme il sortait de chez l’une d’elles, il rencontra quelqu’un qui se rendait chez elle pour forniquer ; et cet homme donna au moine un soufflet, en disant : « Misérable, ne te corrigeras-tu donc jamais de ton immondice ! » Et Vital : « Mon ami je te revaudrai ce soufflet ! » Et en effet, quelques heures plus tard, voici qu’un diable, sous la forme d’un nègre, applique sur la joue de cet homme un terrible soufflet, en lui disant : « Reçois ce soufflet de la part de l’abbé Vital ! » Et ce diable s’empara de lui et le tourmenta si fort que la foule s’amassait à ses cris. Mais Vital, voyant son repentir, pria pour lui et obtint qu’il fût délivré. Puis, sentant approcher la mort, ce bon moine laissa un papier où était écrit : « Gardez-vous de juger personne trop tôt ! » Et, quand il fut mort, toutes les courtisanes révélèrent la pureté de sa conduite et tous, dans Alexandrie, glorifiaient Dieu à cette occasion, mais surtout saint Jean, qui disait : « Combien j’aurais voulu mériter de recevoir, à la place de Vital, le soufflet qu’il a reçu ! »

III. Un pauvre vint à Jean en habit de pèlerin et lui demanda l’aumône. Jean dit à son économe : « Donne-lui six pièces d’argent ! » L’homme s’en alla alors changer d’habit et revint demander l’aumône au patriarche. Et celui-ci dit à son économe : « Donne-lui six pièces d’or ! » L’économe les lui donna, mais, quand le mendiant fut parti, il dit à Jean : « Père, cet homme est venu deux fois aujourd’hui sous des habits différents, et deux fois a reçu l’aumône ! » Mais saint Jean feignit de ne pas l’avoir reconnu. Et le mendiant, ayant changé d’habit une troisième fois, revint de nouveau lui demander l’aumône ; alors l’économe fit signe à saint Jean que c’était le même mendiant. Mais saint Jean lui répondit : « Va et donne-lui douze pièces d’or ; car qui sait si ce n’est pas mon Seigneur Jésus-Christ qui veut me tenter, pour voir qui se fatiguera le premier, lui de demander ou moi de donner ? »