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SAINT JEAN L'AUMÔNIER

vêts parce que tu me l’as donné ! J’avais froid et tu m’as couvert. Merci de ta bonne volonté ! » Alors Pierre, se réveillant, commença à bénir les pauvres, et dit : « Vive Dieu, je ne mourrai pas avant d’être devenu l’un d’entre eux ! » Il donna donc aux pauvres tout ce qu’il avait. Puis, appelant son notaire, il lui dit : « Emmène-moi à Jérusalem et vends-moi comme esclave à quelque chrétien, après quoi tu distribueras aux pauvres le prix de la vente ! » Et comme le notaire s’y refusait, Pierre lui dit : « Fais ce que je te demande, et voici de l’argent pour te récompenser ! Mais si tu ne le fais pas, c’est moi qui te vendrai aux barbares. » Alors le notaire le revêtit de haillons, le conduisit à Jérusalem, et le vendit à un argentier, moyennant trente pièces d’or qu’il distribua aux pauvres. Et Pierre, devenu esclave, se chargeait spontanément des tâches les plus viles, au point que les autres esclaves eux-mêmes se moquaient de lui, le battaient, et le méprisaient comme un fou. Mais le Seigneur lui apparaissait souvent, et le consolait en lui montrant les vêtements et tous les autres dons qu’il avait reçus de lui. Cependant, à Constantinople, qui était la patrie de Pierre, l’empereur et les citoyens déploraient sa disparition. Or, un jour, des habitants de Constantinople, venus à Jérusalem pour visiter les lieux sacrés, furent invités à dîner chez le maître de Pierre ; et ils se dirent à l’oreille : « Combien cet esclave que voici ressemble au noble Pierre, le receveur d’impôts ! » Et l’un d’eux, l’ayant bien observé, dit : « En vérité, c’est le seigneur Pierre lui-même ! Je vais aller à lui et je le ramènerai de force à Constantinople ! » Aussitôt l’esclave, se voyant découvert, s’enfuit. Le portier de la maison était sourd et muet ; mais Pierre, dès qu’il fut arrivé près de la porte, lui parla afin qu’il lui ouvrît. Et aussitôt le sourd-muet retrouva l’ouïe et la parole. Il ouvrit à Pierre, puis, abordant les autres esclaves, il leur dit : « L’esclave qui faisait la cuisine vient de s’enfuir ; mais c’était sans doute un esclave de Dieu et non de notre maître, car lorsqu’il m’a ordonné de lui ouvrir la porte, une flamme a jailli de sa bouche qui, touchant ma bouche et mes