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LA LÉGENDE DORÉE

le corps, considérant avec admiration les anges chargés de le garder. Et Dacien, à cette nouvelle, dit : « Je crains bien que, même mort, il ne se laisse pas vaincre par moi ! » Il tenta cependant une dernière épreuve. Il fit attacher au corps une énorme pierre et le fit jeter à la mer, pour être dévoré par les poissons. Mais en vain les matelots essayèrent de submerger le corps ; celui-ci se mit à flotter, devançant les matelots, et rejoignit le rivage, où il fut recueilli par une pieuse femme qui, avec l’aide de ses frères chrétiens, l’ensevelit solennellement.

II. Saint Augustin dit de ce martyre : « Le bienheureux Vincent vainquit dans les mots et vainquit dans les maux, il vainquit dans la confession et dans la tribulation, il vainquit broyé et vainquit noyé. » Et saint Ambroise, dans une préface, dit : « Vincent est rompu, écartelé, coupé, flagellé, brûlé ; mais son esprit reste indomptable, parce qu’il craint Dieu plus que le siècle et aime mieux mourir au monde qu’à Dieu. » Et Prudence, qui brillait sous le règne de Théodore l’Ancien, vers l’an du Seigneur 387, nous raconte que saint Vincent dit encore à Dacien : « Les tourments, les prisons, les pointes de fer, les flammes et la mort, tout cela n’est qu’un jeu pour le chrétien. » Alors Dacien : « Qu’on le lie et qu’on lui détende les bras en tous sens jusqu’à ce que toutes les jointures de ses os éclatent et que son foie lui sorte du corps ! » Mais le soldat de Dieu se riait de ces supplices, reprochant au fer de ne pas entrer plus avant en lui. Et plus tard, dans le cachot, un des anges lui dit : « Lève-toi, saint martyr, et viens prendre ta place dans la troupe céleste ! Soldat invincible, le plus brave des braves, les tortures elles-mêmes te craignent comme leur vainqueur ! » Et Prudence, après avoir raconté cela, s’écrie : « Héros sublime, tu as obtenu une double palme, tu t’es rendu digne d’un double laurier ! »