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LA LÉGENDE DORÉE

terre, à demi mort de faim et de froid (car il s’était enfui pour échapper à la persécution), Félix, averti par un ange, vint à son secours ; et comme il n’avait apporté avec lui aucune nourriture, il pressa dans la bouche de l’évêque le jus d’une grappe de raisin qu’il vit miraculeusement attachée à une haie voisine, après quoi, prenant le vieillard sur ses épaules, il l’emporta chez lui ; et, à la mort de Maxime, c’est lui qui fut élu évêque à sa place.

Un jour qu’il prêchait, et que ses persécuteurs le poursuivaient, il se cacha entre des murs en ruines ; et aussitôt Dieu ordonna à des araignées de tisser leur toile devant l’entrée de cette ruine : si bien que, en apercevant cette toile d’araignée, les persécuteurs s’en allèrent, convaincus que personne n’était entré par là. Saint Félix se cacha ensuite dans un autre lieu, où une femme le nourrit pendant trois mois sans voir une seule fois son visage. Enfin, au retour de la paix, il revint à son église, et c’est là qu’il s’endormit dans le Seigneur. Il fut enterré aux portes de la ville, dans un endroit nommé Pinci.

Il avait un frère, qui s’appelait, lui aussi, Félix, et qui montra un grand courage dans la persécution. Et l’on raconte que saint Félix cultivait un jardin, et que des voleurs, qui avaient entrepris de lui dérober ses légumes, ne purent s’empêcher, toute la nuit, de lui cultiver son jardin, de telle sorte que, le lendemain matin, saint Félix les trouva ainsi occupés. Aux compliments qu’il leur fit, les voleurs avouèrent leurs mauvais desseins ; et le saint les renvoya doucement chez eux. Un autre jour certains païens, venus pour s’emparer de saint Félix, éprouvèrent une douleur affreuse dans les mains ; et comme ils hurlaient, le saint leur dit : « Si vous voulez que votre douleur cesse aussitôt, dites : le Christ est Dieu ! » Et ils le dirent et furent guéris. Alors le prêtre des idoles vint le trouver et dit : « Seigneur évêque, mon dieu a pris la fuite dès qu’il t’a vu venir, en me disant qu’il ne pouvait pas supporter ta vertu. Si donc mon dieu te craint à ce point, combien davantage je dois te craindre ! » Et Félix l’instruisit dans la foi chrétienne, et le baptisa.