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vers la fin de la représentation, et, en ce moment, elle ne savait pas si elle souhaitait ne plus penser, dormir dans un grand silence, être morte, ou bien sans attendre, faire les efforts qui devaient la recréer à l’image du bel idéal entrevu.

André salua quelqu’un ; elle regarda machinalement dans la même direction que lui et aperçut, rendant le salut, l’étrange personnage qui l’avait presque effrayée, le jour où, après sa rencontre avec Léonora, elle était venue rêvasser au bord de la terrasse. Depuis, elle ne l’avait pas aperçu et n’avait plus songé à lui.

— Qui est ce monsieur ? dit-elle à André, contente de trouver dans sa curiosité une petite excitation qui la ramenât à la réalité de l’instant.

— Étienne Marken, vous savez ? le critique de l’Époque, l’auteur de Prométhée vengé. Un drôle d’individu, vaguement taré, on ne sait pas bien par quoi. Il a de l’esprit, du génie un peu, comme tout le monde. C’est bien, son Prométhée. Vous vous rappelez le chapitre : Victorieux vouloir, ça ne ressemblait à rien d’autre. Il est agréable, d’ailleurs ; et d’une insolence quand on ne lui plaît pas ! On dit que c’est l’homme de Paris qui a le plus de dettes. Mais on le flatte, sans doute. En tout cas, il ne m’a pas encore tapé.

— Comment se fait-il que vous ne m’ayez jamais parlé de lui ? Vous le connaissez depuis longtemps ?

— Oui… je crois. Je ne sais plus. Depuis toujours, sans doute. C’est comme si vous me demandiez depuis quand je connais la colonne Vendôme.

— Où le voyez-vous ?

— Mais partout. Vous l’avez rencontré cent fois aux premières, aux courses et même à Puteaux, où