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Hansen sont encore un peu bien fraîches pour que tu te confies ainsi à lui ?

— Non, riposta madame des Moustiers d’un ton ferme, car je pressens qu’il sera mon allié contre toi. Tu m’as contrainte à regarder en moi-même… et maintenant tu veux t’en aller, me laisser déconcertée, désireuse de marcher dans le bon chemin et ne sachant où il est… Ce serait trop simple, et trop cruel aussi. Monsieur Hansen, apprenez-moi par quelles paroles ou par quels actes je la persuaderai. Il fait vide en moi sans elle, et triste, si horriblement triste !…

— Je te l’ai déjà dit, tout cela, c’est l’agitation wagnérienne. Ça passera dès que tu seras sortie du cercle fatidique de Bayreuth. Ce sera assez d’avoir à commander tes toilettes d’hiver, pour te remettre de bonne humeur ; et, tu riras bien en te souvenant d’avoir raconté ton pauvre cher cœur à une vieille fille bougonne dont tu ne t’es jamais souciée et à un monsieur qui passait par là, dont tu ne connais ni l’histoire, ni le caractère, rien — pas même la position sociale.

Jacqueline rougit en voyant le maigre visage d’Erik se colorer. Ensemble ils détournèrent les yeux ; Léonora continuait :

— Tu as des mélancolies de femme riche, oppressée par la gêne de ne savoir quoi souhaiter… Tu ne connais pas la vraie douleur, celle qui se tait.

Le ton était d’une telle amertume et si dur que le visage de Jacqueline se contracta de colère souffrante. Elle dit, amèrement, elle aussi :

— Tu te trompes ! Léo ! Je connais cette douleur-là… J’ai eu un enfant : il est mort…