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jamais dit cela… J’avais, à certains moments, la sensation d’en être étouffé comme on l’est par de la fumée qui emplit les poumons… Au reste, c’est dans cette atmosphère extraordinaire, et grâce à elle, qu’est née mon affection pour vous, une affection extraordinaire, elle aussi — je me demande si vous vous en rendez compte : il y a dedans de la crainte, de l’attente, de la colère aussi parfois… Pourtant je ne puis me passer de vous voir. Quand nous restons séparés longtemps, je ne suis plus moi-même, il me semble que ma sensibilité s’est mise à parler une langue que je ne sais pas…

— Redescendons vers le théâtre, voulez-vous ? J’en ai assez d’être sur mes jambes, j’aimerais bien m’asseoir.

– Ah ! Léonora. Vous avez cru que j’allais vous faire une déclaration !… Soyez tranquille ! Je ne suis plus capable que d’amitié intellectuelle. Ce n’est pas seulement par nécessité que j’ai le cœur solitaire, c’est par choix aussi… Tenez, voici madame de Montbazon, elle vous a vue… elle vient ! Rejoignez-la ; moi, je reste ici.

Vêtue de blanc, coiffée d’un vaste chapeau qui ombrait ses yeux, Jacqueline s’avançait, de son allure assouplie. Mademoiselle Barozzi marcha vers elle.

— Je t’ai cherchée depuis ce matin dans tout Bayreuth, dit madame des Moustiers en serrant la main de son amie. J’avais un tel désir de te voir !… Tu es toujours fâchée ?…

— Non… et j’ai conscience d’avoir été ridicule et prodigieusement mal élevée hier… J’avais les nerfs agités par les mauvais souvenirs. Il ne faut pas m’en