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vous rend impropre aux actions qu’un jour ou l’autre on peut exiger de vous… J’y songe bien souvent. C’est la seule chose au monde qui me donne la notion de la peur… Vous savez bien que je ne trouve pas que la vie ait une telle valeur qu’on doive hésiter, fût-ce une seconde, à la sacrifier, dès qu’il s’agit d’être utile. Mais c’est révoltant de penser que, pour une idée à laquelle on ne croit pas, on risque de mourir dans l’exécration et le mépris, non seulement du plus grand nombre, ça n’importerait guère ! mais des meilleurs.

– Tant pis, il faut marcher !

– Mais non ! C’est imbécile ! Ce n’est pas ma prudence de femme qui vous conseille ; car je sens bien que ce doit être plus dangereux que n’importe quoi, d’avouer à ces gens-là, dont on a les secrets, qu’on ne veut plus collaborer à leur œuvre. Mais ce danger-là me paraît préſérable à l’autre.

– Toujours notre même dispute, bonne Léonora, que de fois n’avons-nous pas dit tout cela ! Vous vous acharnez à calomnier ces pauvres diables, vous avez tort… En somme, ils ne tuent que des chefs d’État ; et encore, pas bien souvent.

– Allons donc ! Ce n’est pas aux rois qu’ils en ont lorsqu’ils jettent leurs boîtes à sardines dans les cafés ou qu’ils posent des marmites devant les loges des concierges. Ils tuent au hasard, pour tuer, comme des idiots !

— Ils ne vont aux extrêmes que quand ils sont exaspérés. Ils sont quelquefois maladroits ; mais, quand même, dans une certaine mesure, insuffisante, je vous l’accorde, – ils remuent un peu les fonds de