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ballait, mais un désir de vengeance né de ma colère et de ma douleur après la mort d’Henry… J’avais comme le besoin de garder en moi un peu de lui, j’ai imaginé qu’en me consacrant à ses idées je ferais quelque chose pour sa mémoire. Pauvre garçon ! C’était une si belle âme héroïque !… Mais il se trompait. Nous nous trompons tous en croyant qu’on peut efficacement enseigner par la peur et, en les épouvantant, vaincre la stupide et méchante inertie des heureux… La peur rend les plus doux féroces et pousse les plus indifférents à s’unir pour lutter… Ah ! je sais bien maintenant la bêtise foncière que cela est de vouloir faire le bonheur de l’humanité avec des bombes et des couteaux…

Il eut un petit rire triste… Léonora le regardait, d’un air de pitié presque tendre.

– Sans doute, dit-elle, on ne crée rien qui vaille que par le moyen de l’amour. Monsieur Werner vous le répétait souvent. Pourquoi rester avec eux, puisque leur déraison vous apparaît maintenant ?

— Ce n’est que lorsqu’elle triomphe, que l’on peut sans déshonneur abandonner une cause. D’ailleurs, il faut aller jusqu’au bout de ce qu’on a commencé… Que faites-vous de votre passion pour la responsabilité ?…

– La responsabilité de ses actes ? Bien ! Pas celle des actes d’autrui, surtout quand on les juge inutiles ou mauvais… Croyez-moi, vous êtes entré dans une voie qui n’est pas la vôtre. Vos atavismes, votre éducation, la forme purement artiste de votre culture, votre conscience aussi, trop lucide et scrupuleuse, et, par-dessus le reste, vos nerfs trop délicats, tout,