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de lui sur l’échafaud. Je sais qu’elle viendra me prévenir quand ce sera mon heure. C’est une femme frêle et brûlante avec des yeux d’une douceur mortelle, des yeux sombres de biche traquée ; il y a en elle je ne sais quelle fièvre qui se communique ; sa pâleur tendre a un sens mystérieux, c’est comme une idée précieuse. On devine qu’elle pourrait donner un bonheur surhumain, mais on sait qu’elle est l’Impossible. Entre elle et soi, on sent qu’il y a la mort… Et quel miraculeux pouvoir d’amour, de douleur et de silence ! C’est celle-là qui aime jusqu’à en mourir, le dernier souffle de sa bouche mêlé au parfum de la fleur… Je connais madame de Montbazon, Léonora, je la connais, vous dis-je, et votre amie lui ressemble comme une sœur ! C’est la même souplesse de rameau, la même chevelure molle et lourde et si épaisse que, bien qu’elle soit blonde, elle fait une obscurité pourprée autour de son visage… ce visage dans lequel les yeux vivent si fort qu’on ne voit pas les autres traits, mais eux seuls… Ces yeux !… « Elle était morte d’amour, rendant son âme dans le parfum d’une jacinthe… » Comme elle doit savoir aimer, Léonora, votre amie que vous n’aimez plus !…

Mademoiselle Barozzi regardait le jeune homme avec une douceur inhabituelle ; elle haussa les épaules.

— Je ne vous aurais pas imaginé d’un goût littéraire si attardé ! fit-elle. Le contraste avec vos préoccupations ordinaires est drolatique ; et quant aux rapports de votre conception avec la réalité de madame des Moustiers… Vous ne pouvez pas deviner la prodigieuse bouffonnerie qu’il y a dans tout cela. Ah ! non, elle n’est pas de celles qui prennent le parti de rendre