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et de liberté, soucieuse de prouver que rien ne devait la soumettre. Au contact des êtres, l’éclat prochain d’une permanente colère travaillait ses traits. L’ironie rude de sa parole brisait le rythme de sa bouche auquel eût convenu l’apaisement des silences pensifs. Ses joues auraient dû garder toujours leur pâleur de datura ; elles semblaient se déformer lorsque la véhémence intérieure les marbrait de rougeurs anxieuses. Il y avait un pli déjà profond entre ses sourcils trop souvent rapprochés dans l’indignation. Sa froideur même révélait un tumulte secret, et sa violence avait le décousu de la bataille incertaine.

Elle allait droit devant elle, les yeux au sol, la figure pareille à un superbe et dangereux masque de Méduse comme on en voit, forgées au centre des boucliers. Dans sa toilette noire, avec ses cheveux sombres, et ce visage où pesaient la gravité et le tourment, elle semblait, sur ce chemin jauni par le soleil oblique, enveloppée d’une obscurité qui marchait avec elle, cette obscurité d’avant l’orage que creuse le coup de fouet des premiers éclairs.

Un homme qui venait à sa rencontre s’était, en l’apercevant de loin, arrêté au milieu de la route et la regardait venir. Elle se heurta presque à lui, recula, levant la tête d’une saccade, et eut une exclamation :

— Comment, vous êtes ici ?…

– J’ai eu des besognes à Berlin… Puis plus rien à faire. Alors je suis venu jusqu’à Bayreuth pour vous voir un peu… Le temps me durait de vous, comme disent aux nourrices les militaires sentimentaux.

— Vous auriez bien pu m’écrire !

Elle dégagea sa main qu’il avait retenue.