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Tout ce qu’elle avait éprouvé s’avilissait d’être comparé aux extases du dévouement mystique que Léonora avait fait entrevoir. C’était là vivre, au moins ! Et elle… Avait-elle aimé, seulement ? Ah ! aimer, aimer !

Elle trouvait un plaisir pénible à demeurer ainsi sans faire un mouvement, tandis que ses artères battaient, que son exaltation silencieuse allait croissant. Tout à coup elle eut un sursaut d’énergie, et dans sa pensée plus active le souvenir s’imposa, d’un incendie qu’elle s’était arrêtée à regarder, du bord de la route où elle passait à cheval. La nappe de feu montait d’un amas de maisons, vers le ciel, un coup de vent avait fendu la flamme haute, et dans la déchirure un soudain paysage était apparu : des arbres, un clocher fin, pourpré par le feu… Elle comprit pourquoi cette image lointaine revenait ainsi, et l’analogie la troubla. En elle aussi cela flambait et, dans l’écartement du brasier, elle distinguait une image ardente : beau, dangereux, avec son regard inquiet, son âme secrète, l’homme dont elle ne savait rien, pas même si elle l’aimait, l’homme auprès de qui elle avait vécu huit années sans chercher à lire en sa pensée… Elle se sentit sur le point de pénétrer le sens de l’angoisse inexpliquée qui depuis la veille l’habitait et, se levant d’un mouvement robuste, elle marcha vers son amie.

Pâle et soucieuse, mademoiselle Barozzi regardait l’eau du bassin, encombrée de grasses végétations. Quand elle fut tout près, d’un geste timide, madame des Moustiers lui toucha le bras.

— Léo, j’ai compris, je crois, les choses que tu m’as dites. Le grand destin des êtres, c’est le dévoue-