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des mois ; je l’avais quittée sur une scène pénible. Ç’a été abominable de ne pas la revoir, de ne pas même l’embrasser morte… Toute ma rancune s’en était allée, je n’avais plus que de l’amour pour elle, une pitié ardente, et aussi le remords de ma dureté… Quel droit avais-je de la juger ? Est-ce qu’on juge ceux qui souffrent ? Comme je souhaitais la venger !… Je crois que j’aurais tué mon beau-père avec plaisir… Il a dû pressentir mes dispositions, car il ne s’est plus trouvé sur mon chemin. Je ne sais pas où il est, ni à quelle sorte d’infamie il s’adonne maintenant pour subvenir au confortable de sa vie… Après tout cela, j’ai passé quelques mois dans un état de folie qui devait se deviner, car j’ai vu quelquefois de la peur dans les yeux des gens auxquels je parlais. J’avais un désir de mort qui, d’abord intermittent et insidieux, s’était installé en préoccupation constante, maniaque, et passionnée, pourrait-on dire. À un moment, c’est devenu tellement irrésistible… J’étais à Paris, Harrach m’avait amenée avec lui pour jouer les derniers quatuors de Beethoven. Je hais Paris ! C’est de toutes les villes, celle où l’esclavage de la femme a sa forme la plus révoltante de satisfaction parée !… Harrach retourné à Berlin, je restais seule ; aucun engagement ne m’appelait. J’avais la tête perdue ; c’était horrible, la lutte entre le vertige de la mort et cet ignoble goût de vivre qui persiste. J’ai eu un moment de lâcheté, un désir frénétique de te voir. Il me semblait que rien qu’à regarder ta figure, qui m’avait représenté la paix et l’espoir aux heures de ma jeunesse, je trouverais un répit… Je suis allée chez toi : tu venais