Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/452

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jeux féroces et beaux de la vie moderne vue dans ses secrets, pour distraire vos heures. Votre doigt tendu sauvera, et votre antipathie pourra détruire. Voulez-vous accepter tout cela sans avoir rien à rendre ?

— Oui, dit Jacqueline en redressant la tête.

— Que vous êtes belle en ce moment !… si vous saviez !…

Elle était admirable, en effet, la bouche entr’ouverte par un souffle plus fort, la narine durcie, et la lumière de ses yeux et de ses dents mettant dans son visage comme un triangle de joaillerie. Sa pâleur s’était effacée, elle était grave et violente sous son grand air de calme, et la petite couronne de pierreries qui la coiffait semblait avoir pris le style d’un symbole.

— Je ne demanderai rien de vous, dit Marken, rien, sinon que vous tolériez ma présence ; cela suffira. Vous ne m’aimerez jamais, sans doute ; mais, si cela arrive, il faudra que vous veniez à moi, car je ne vous ferai plus l’injure de vous supplier.

Jacqueline, d’un mouvement lent et comme si tout son corps eût participé à sa pensée intime, s’était levée. Ils restèrent un moment l’un en face de l’autre ; elle dit, d’une voix nette et unie :

— L’an dernier, à cette même époque, un jour où j’étais triste et irrésolue, je suis allée à Versailles, et, l’après-midi durant, j’ai marché dans le parc… C’est un endroit étrange ; on y respire tout l’orgueil de la France. J’ai eu, ce jour-là, l’inutile désir d’être heureuse et de me sentir libre de tout. Je devinais obscurément ce que je sais aujourd’hui : que la vie est magnifique et vaut la peine qu’elle coûte… et qu’il faut vivre… Je voudrais retourner là avec vous…