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Chacun des efforts que je n’avais cessé de faire depuis cinq heures pour vous salir dans ma pensée avait dégagé votre image plus merveilleuse. Après vous avoir haïe, méprisée, insultée, j’ai subi une crise de dépression, de silence intérieur, puis il s’est produit dans ma sensibilité surmenée un bizarre phénomène : j’ai cessé de vous voir à travers ma volonté, c’était la vôtre qui pénétrait en moi. Toutes vos raisons de me traiter comme vous avez fait m’apparaissaient légitimes, nécessaires… Je vous avais comprise.

— Vous auriez pu m’écrire tout cela et ne pas attendre deux mois pour me le dire.

— Non : je continuais de souffrir et de rager, car, jusqu’au moment où je vous ai revue, j’ai eu la certitude de vous avoir définitivement perdue. J’avais senti le contact de votre orgueil, qui est aussi grand que le mien, et je ne savais pas que le mien pût être détruit, comme il l’est par le vôtre. Vous vous étiez trompée sur moi : quelle raison avais-je d’espérer que jamais vous pussiez revenir de votre erreur ?

— En quoi m’étais-je trompée ?

— En me confondant avec tous ceux que vous avez connus et dédaignés. Jusqu’ici vous n’avez rencontré que cette comédie de l’homme qui, après avoir beaucoup supplié, se met à vouloir. Je vous avais stupidement donné l’impression que, moi aussi, j’étais tel. Je sais maintenant qu’il ne faut ni vous prier, ni rien vouloir de vous que vous n’ayez résolu d’abord d’accorder ; vous n’êtes pas de la race des serves, mais de celle des souveraines qui se courbent pour choisir. Vous êtes autre chose encore…